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L'Eglise coloniale vue par un évêque Africain
Charade démente
Servir ? Je veux ! Mais...
Où l'on prend ses rêves pour des réalités
CORAIL, un journal d'information !
CORAIL, LA VOIX DU CAGOU, même combat !
Dieu ne l'a pas voulu !
Maman, fais-moi un sourire
Les limites de la démocratie

 

N° 75 fin avril 1981

LE PASSEUR

"Ne rougissez pas de votre passé"

conversation avec Raymond-Marie Tchidimbo

... Condamné aux travaux forcés à perpétuité dans les prisons de Guinée, on l'avait même cru mort à un moment. Finalement, le Président Sékou Touré acceptera de relâcher l'ancien Evêque de Conakry, neuf ans après son arrestation.

  • Vous êtes né sur une de ces terres où jadis les missionnaires s'en allaient annoncer la Bonne Nouvelle... Vous vous souvenez des conditions dans lesquelles cette Bonne Nouvelle vous fût annoncé à vous ?

C'est au sein de ma famille que je l'ai entendue. Mes parents eux-mêmes étaient chrétiens. Mon père était un modeste tailleur d'habits. Nous avons été sept enfants : quatre garçons et trois filles... Mais, en plus de leurs enfants à eux, mes parents en ont élevé beaucoup d'autres, en particulier de jeunes Guinéens qui désiraient apprendre le métier de tailleur et qui venaient vivre chez nous. C'est de cette générosité que j'ai hérité d'eux d'abord. Une générosité dont j'ai peu à peu perçu la source. Non point à travers des discours, mais dans la vie concrète de tous les jours. La prière, par exemple, était quelque chose de naturel chez nous... une sorte de respiration.

  • Quand on se convertit au christianisme, comme vos parents, vos grands-parents ou vos arrière-grands-parents l'ont fait, on entre en rupture avec son milieu, non ? avec sa culture, ses croyances...

Apparemment, c'est une rupture. Mais en fait, non... En se convertissant au christianisme on ne renie rien des religions païennes ou islamique qui nous ont imprégnés jusque-là. Pourquoi les renierions-nous ? S'il est vrai que le Christ a offert sa vie pour l'existence humaine tout entière, son sacrifice porte déjà des fruits jusque dans ces milieux que nous considérons comme païens ou non-chrétiens. Des germes de christianisme y sont présents. Dans l'attente de grandir et de s'épanouir pleinement dans le Christ.

Il n'y a ni reniement de sa famille, de son clan, de son passé, ni rupture lorsqu'on se convertit. Au contraire : il n'y a que plus être et épanouissement de ce que, à cause du sacrifice du Christ, païens et musulmans portent déjà en eux, qu'ils le sachent ou non.

  • Vous avez écrit un jour : "On ne dira jamais assez combien le christianisme aura souffert d'être confondu avec l'Occident et sa puissance". De ça vous avez souffert !

J'en ai beaucoup souffert parce que certains missionnaires ont ainsi trop souvent donné l'illusion aux gens de chez nous que le christianisme n'était qu'occidental. De cela, du reste, les chrétiens africains continuent à payer les conséquences. Quand s'est fait jour l'idée d'indépendance dans nos pays colonisés, des hommes - par calcul politique - ont exploité cela pour opposer les communautés chrétiennes aux communautés musulmanes et vice-versa. Ainsi, en particulier dans l'Ouest africain où les musulmans sont majoritaires, on a réussi à ancrer dans l'esprit de nombre d'entre eux que la religion chrétienne n'est qu'une religion importée et que la seule religion faite pour le Noir, c'est l'Islam !

Or, que je sache, pas plus Jésus que Mahomet ne sont occidentaux ou africains. Mais pendant longtemps, et encore aujourd'hui, certains gouvernements se sont appuyés sur cette idée fausse pour jeter le discrédit sur le christianisme afin de mieux l'éliminer. Pour instaurer l'Islam ? Pas même, puisque beaucoup de ces hommes sont gagnés à un certain marxisme. Simplement, ils veulent faire disparaître ce qu'ils savent être à la longue, dans l'Evangile, le véritable ferment d'une libération de l'homme.

  • Revenons au colonialisme... Qu'on l'admette ou non, l'évangélisation de l'Afrique a été tachée de colonialisme. Cette tache, aujourd'hui, comment vous apparaît-elle : en train de s'effacer ou pas ?

Parlons de colonisation plutôt que de colonialisme, cet abus de la colonisation que j'ai bien connu et qui m'autorise à faire la distinction...

Quand on lit l'histoire du genre humain, on se demande quel peuple n'a pas été colonisé un jour ! La Grèce a bénéficié du Proche-Orient, l'Italie a bénéficié de la Grèce; la France, en tant que Gaule, a bénéficié de l'Italie romaine... plus tard l'Afrique à son tour. J'ose dire en effet que la colonisation n'a pas été seulement ce qu'on dit. Qu'elle ait été entreprise avec des visées économiques intéressées n'est pas niable; qu'elle ait donné lieu à énormément d'abus et d'injustices l'est encore moins; que certains missionnaires n'aient pas réussi à se dégager du pouvoir civil afin d'être totalement au service de la Parole, c'est vrai aussi. Mais le bienfait que nous en retirons n'est pas lui non plus à nier, ou à masquer. Quoi qu'on en dise !

C'est à cause d'elle que nous avons acquis une culture qui permet aujourd'hui aux peuples africains de parler sur un pied d'égalité dans toutes les instances internationales. C'est à cause d'elle que nous, Africains, avons reçu l'Evangile...

Alors, au total, heureuse faute peut-être... Puisque, de toute façon, nous n'avons pas le pouvoir de refaire l'histoire qui nous échoit.

  • Si, dans l'Eglise de France, un Evêque tenait vos propos, on le taxerait aussitôt de nostalgique et de réactionnaire !

Oui, mais moi, je ne suis pas un évêque français... et la colonisation, je l'ai subie ! Et c'est ce qui me permet de vous dire : ne rougissez pas de votre passé missionnaire ! Des erreurs, certes, ont été commises au cours de la colonisation et de la mission : reconnaissez vos erreurs, un point c'est tout, et vous pourrez ensuite rendre grâce à Dieu d'avoir été choisis pour accomplir la tâche que vous avez accomplie.

Inversons les rôles... Imaginons que l'Afrique ait été la première à recevoir l'Evangile et qu'elle ait été dotée des moyens techniques modernes lui permettant de soumettre les pays de l'Europe et de les évangéliser : nous n'aurions pas été meilleurs que vous, nous aurions commis les mêmes erreurs.

Une toute petite expérience vécue à l'échelle de la Guinée m'en a convaincu. C'était en 1967, quand les missionnaires européens ont été contraints de quitter le pays sur ordre du pouvoir. Aussitôt, plusieurs prêtres des pays de l'Ouest africain sont venus les remplacer, et j'ai constaté alors qu'il était aussi difficile pour eux, bien qu'Africains, de s'adapter au milieu sociologique de la Guinée, même plus difficile qu'aux missionnaires qui les avaient précédés.

J'ai compris ce jour-là, qu'il ne suffisait pas d'avoir la même couleur de peau pour rencontrer l'autre, le reconnaître et lui annoncer la Parole...

  

N° 76 fin juin 1981

LE PASSEUR

Votez Chirac !
c
harade démente

  • Pour le grand Charles les Français en étaient tous
  • Selon Marchais, c'est à cause de la politique du grand capital que les camarades travailleurs boivent mon second sans sucre.
  • Mon troisième est la supplication de la maman pressée à son petit qui "n'y arrive pas".
  • De mon quatrième on peut dire que les souris le préfèrent parfois au gruyère !
  • Mon cinquième est facteur d'équilibre chez l'écureuil mais pas toujours chez l'homme...
  • Mon tout est interdit aux moins de 18 ans, et pas forcément recommandé aux autres.

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Servir ? je veux ! mais...

(...) Notre "OUI" à Dieu ne se limite pas au choix d'un état de vie, mais doit s'exprimer à travers un comportement, chaque jour à réajuster.

Peu de mélanésiens répondent à l'appel de servir dans la vie religieuse ou le sacerdoce. Manque de générosité ? Ceux qui connaissent les jeunes savent bien que non ! Pourquoi, alors ?

On leur propose de servir dans un cadre qui les laisse songeurs. Des congrégations religieuses qui, malgré leur bonne volonté, "transpirent" l'Occident", sa manière d'être, ses jugements de valeur... par tous les pores de leur peau. Et il ne peut en être autrement ! On ne peut attendre d'un occidental qu'il pense, vive et serve comme s'il était mélanésien.

Mais il ne faut pas s'attendre non plus à ce que des mélanésiens choisissent de se dissoudre dans des groupes pensant, vivant et servant "à l'occidentale". Simple question de survie pour eux !

Prières et amélioration des techniques de rabattage ne changeront rien à la situation présente, si les structures proposées restent les mêmes. Les mélanésiens devraient pouvoir rayonner le Christ dans un "vêtement" taillé pour eux.

Qui peut changer les structures ? Certainement pas un européen, quelle que soit sa bonne volonté. Il peut tout au plus relativiser le modèle qu'il propose et inviter les autres à ne pas s'y couler, mais à "s'exprimer selon leur génie propre, sensibles aux impulsions de l'Esprit.

Mal à l'aise, de nombreux prêtres et frères mélanésiens ont quitté leur poste, cherchant à servir à travers d'autres structures ( sociales, politiques... ) qui leur procuraient plus de possibilité d'expression.

Que les jeunes... et ceux qui restent, comprennent que la solution du problème de l'avenir est entre leurs mains. Qu'ils proposent un modèle de service qui corresponde à leur être profond.

Il faut répondre aux appels de ceux qui, dans leur volonté de bâtir un monde et une Eglise où ils pourront être pleinement eux-mêmes, cherchent en vain un cadre où puisse s'épanouir leur personnalité.

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Passage de relais

Archevêque à 37 ans

"L'AVENIR" prend ses rêves pour des réalités quand il écrit : "les plus hautes Autorités ecclésiastiques ont donné raison au FI en relevant Mgr KLEIN de sa charge d'Archevêque".

Fatigué depuis longtemps, il s'était fait nommer un auxiliaire. Il avait demandé à partir à la retraite, mais les évènements de Décembre dernier... ont fait surseoir à ce projet jusqu'à ce que le calme soit rétabli !

L'espérance d'un diocèse ne tient pas dans la jeunesse de "sa tête"... mais dans le dynamisme de chacun de ses membres. Conclusion : secouez-vous les puces.

"Monseigneur, nous aimons notre Eglise. Nous croyons à sa vocation de "sel de la terre" et de "levain dans la pâte"..; Une pâte calédonienne qui n'attend, pour lever, que d'être pétrie par les bras vigoureux d'un amoureux de bon pain. Vous pouvez compter sur nous".

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Dans son numéro du 23 juillet, CORAIL s'insurge contre une résolution de la Conférence des Eglises du Pacifique qui, d'après lui, réclamerait "que le gouvernement français interdise la libre circulation des Blancs à travers le Pacifique, et principalement à destination de la Nouvelle-Calédonie".

Cette résolution réclame en fait "que nous demandions au gouvernement de France d'arrêter immédiatement sa politique d'encourager l'immigration des gens d'autres ethnies en N.C., ce qui contribue à la marginalisation des Mélanésiens sur leur propre terre".

Il est amusant de comparer les deux versions :

"Arrêter d'encourager" devient, dans CORAIL "interdire"
         "l'immigration" devient "la libre circulation"
         "les gens d'autres ethnies" devient "les Blancs"
         "en N.C." devient "à travers le Pacifique"

... c'est là toute la différence entre du papier coloré et un journal d'information !

Et quand CORAIL surenchérit "c'est exactement ce que font les soviétiques dans leur immense empire"... il a l'air d'oublier que ce fût longtemps la politique du gouvernement français qui, pendant de longues années, interdit la libre circulation des mélanésiens... à l'intérieur de leur propre pays !

Il y a une différence - et de taille - entre "libre circulation" et "encouragement à l'immigration".

Dans tous les pays du monde, l'immigration est réglementée... et la France n'échappe pas à ce qui est une nécessité pour son équilibre national. Si tout peuple a besoin d'une ouverture sur l'extérieur, il est cependant obligé de veiller à la sauvegarde de son identité.

En 39-45, les Français ont résisté à la germanisation de leur pays... N'imposons pas aux autres ce que nous n'avons pas voulu pour nous-mêmes.

Vu le taux de croissance démographique, les mélanésiens pourraient espérer - d'ici quelques années - redevenir majoritaires chez eux ( n'est-ce pas la moindre des choses ? ), et pouvoir infléchir le destin de leur pays par des voies pacifiques. Encourager l'immigration, c'est non seulement leur fermer cet espoir, mais encore les mettre de plus en plus de côté.

Si les Eglises s'étaient montrées indifférentes au problème, auraient-elles pu se prétendre "du Christ" ?

Fermer tout espoir à un peuple, c'est l'acculer à la violence.

La violence, y a-t-il un homme qui la veuille ?

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Santé

Il est vivement recommandé de ne pas plier de produits alimentaires dans des pages de CORAIL, les risques de contamination étant trop élevés. Le papier, par lui-même, est d'excellente qualité, mais des prélèvements faits sur les derniers numéros ont révélés la présence de germes nocifs après passage à l'imprimerie. Il s'agit d'un mélange, variable selon les numéros, de méchanceté et de stupidité.

Le germe n'est pas nouveau sur le Territoire. On en avait déjà décelé des traces dans LA VOIX DU CAGOU.

Les services concernés conseillent l'antidote suivant : du bon sens et de l'humour. Expérience a été faite : le virus en question ne peut y résister.

 

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Dieu l'a voulu ?

Récemment, dans la vallée d'Amoa, deux mamans sont mortes des suites d'accouchement. Quelle souffrance pour les maris qui voient partir une compagne, et pour les enfants qui se retrouvent subitement terriblement seuls.

"Dieu l'a voulu" nous dit-on !

Dieu l'a voulu ? - Je ne le pense pas. Il ne faut pas prêter à Dieu de sombres desseins ! Il veut la vie et le bonheur. Il ne cherche pas à briser les familles, à séparer les enfants de leur mère et les maris de leur épouse. Il a fait l'homme. Et comme tout ce qui est créé, le corps de l'homme arrive à un moment à un degré d'usure qui débouche sur la mort.

Dieu qui nous a faits et placés sur terre, Dieu qui reconnaît en nous ses enfants et nous a confié sa création... Dieu a bien sûr le désir de nous voir "durer" le plus longtemps possible, pour que nous puissions - le plus longtemps possible - "travailler à sa vigne".

Nous avons le DEVOIR de veiller à notre santé, et à celle des autres, afin que nous puissions ainsi travailler le plus longtemps possible sur "les chantiers du Père".

Des hommes meurent trop tôt à cause de maladies qu'on ne sait pas soigner. On ne sait pas les soigner parce qu'on dépense plus d'argent dans le domaine militaire que dans la recherche médicale. Dieu ne l'a pas voulu. Dieu n'aime pas ça !

Des hommes meurent trop tôt parce que d'autres hommes leur ôtent la vie ( avortement, guerres... ). Dieu ne l'a pas voulu. Dieu n'aime pas ça !

Des hommes meurent trop tôt, de malnutrition; d'autres s'ôtent la vie parce qu'ils n'ont pas trouvé autour d'eux assez de chaleur humaine...

Par pitié, ne disons pas : Dieu l'a voulu !

Dieu ne "rappelle" pas les vivants... Il leur a fait cadeau de la vie pour qu'ils en profitent et en fassent profiter les autres jusqu'au bout.
Il ne nous rappelle pas : il nous accueille - à notre mort - afin que la mort ne soit pas un échec.

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

"Maman, fais-moi un sourire"  

Lors de son discours à l'Assemblée Territoriale, Mr Emmanuelli, comme un médecin, a mis a nu la Calédonie. Ça a bousculé bien des pudeurs.

Un homme qui a parlé de sa "conscience d'homme". ça existerait donc encore ! Un langage, des accents qu'on aurait aimé entendre de l'Eglise. Une mère qui - il est vrai - fidèle à sa mission, ne fait pas de politique. Mais une mère qui a perdu ses accents de mère... et dont les déclarations "léchées" sont parfois aussi engageantes que tartine sans confiture.

"Maman, fais-moi un sourire !"

 

N° 77 fin août 1981

LE PASSEUR

Les limites de la démocratie

En dictature, c'est le plus fort qui impose sa loi.

En situation révolutionnaire, c'est le plus violent.

En démocratie, ce sont les plus nombreux.

"La démocratie, c'est le moins mauvais des régimes, disait Mr Emmanuelli. Tout le monde s'exprime, et après le suffrage tranche".

... Ce peut être une situation à la fin intolérable si le groupe majoritaire ne prête aucune attention aux minorités. La démocratie peut couvrir bien des injustices, bien des oppressions.

L'Evangile ne parle jamais de démocratie. Il parle de Charité, d'attention au plus pauvre, de justice.

  


fx.devivies@ddec.nc