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Le rôle du prêtre dans la société
Nous avons les évêques que nous méritons
Ne jouez pas avec les ados !
Louper une récolte, pas dramatique. Louper un gosse...
Ne dîtes pas n'importe quoi !
Ré-apprendre à dire NON
Savoir dire OUI
Pourquoi les jeunes ne se marient-ils pas ?
Dragées pour le Vanuatu

 

 

 

 

 

 

  

N° 70 fin juin 1980

LE PASSEUR

LE RÔLE DU PRÊTRE DANS LA SOCIETE

Il y a deux mois, Mgr Klein faisait paraître une réflexion sur le rôle du prêtre dans la société. Il nous semble intéressant d'en publier ici les principaux passages.

"Avant toute autre chose, le rôle du prêtre est d'être un relais de la Vérité et de la Vie de Jésus-Christ. L'urgence de la mission du prêtre vient de l'urgence de réimplanter Jésus-Christ dans la vie des hommes, car dans le monde d'aujourd'hui, il y a un malheur encore plus grand que l'injustice sociale, c'est l'incroyance et l'athéisme.

Si notre vie économique et sociale est marquée aussi fréquemment par de violents accès de fièvre, ce ne sont pas d'abord nos structures et institutions qui en sont la cause. Il faut creuser jusqu'à la racine du mal. Cette racine se trouve dans le jugement et la conscience des hommes et plus précisément dans le coeur de l'homme.

Comment guérir ce coeur malade ?

Lorsqu'un médecin se rend dans une salle d'hôpital, il ne guérit pas les malades par une déclaration générale. Il s'approche de chacun. Il traite chacun selon ses besoins personnels. Jésus intervient en nous de la même façon, et il veut le faire par son prêtre. Le Christ demande au prêtre de lui prêter son coeur, son regard, sa voix, ses mains pour prolonger ce qu'il est venu faire parmi nous et qu'il a demandé à ses apôtres de continuer.

Autour de nous, aucune activité professionnelle, aucune fonction sociale ne peut être comparée à l'importance vitale du ministère sacerdotal.

Le Christ est venu, non pas pour modifier des structures politiques. Il n'en a jamais parlé. Il ne s'est préoccupé que de l'homme, afin de changer sa manière de penser et d'aimer, et pour donner à l'homme toutes ses dimensions.

On ne sait plus ce qu'est l'homme, ce qu'il doit être, parce qu'on ne sait plus ce qu'est le Christ. Car c'est par le Christ et en lui seulement que nous pouvons découvrir notre pleine vocation humaine et retrouver la pleine santé de l'esprit et du coeur. Et c'est ensuite seulement que nous serons capables d'améliorer l'état de la société.

Le rôle du prêtre est de rendre le Christ présent parmi les hommes, de restituer une conscience aux hommes et de leur faire accepter les conséquences de leurs actes. Le prêtre a à annoncer aux hommes combien Dieu les veut beaux, grands et généreux. Il doit leur rappeler que l'homme ne vit pas seulement de pain... Il a à les brancher sur la source divine de lumière et de courage. Il doit veiller à ce que la liberté irresponsable des hommes n'expose pas notre société fragile aux pires contradictions et destructions.

Le climat dans lequel nous vivons, les préoccupations purement matérielles, la violence, la cruauté, les malheurs, les impostures, tout cela durcit le coeur et nous fait respirer un air vicié. Et pourtant les hommes ont tous tellement besoin d'être aimés et de redevenir capables d'aimer.

Le prêtre reçoit de l'Esprit-Saint la mission et le pouvoir d'aider ses frères de la part de Dieu à retrouver le vrai sens de la vie. Il est là pour rassembler les hommes dans l'amour, pour les mettre en contact avec la force et la volonté du Christ de les faire vivre et de pardonner et, avec la puissance du Christ, de se réconcilier les uns avec les autres.

On se rend de plus en plus compte que la crise actuelle de l'Eglise est d'abord une crise doctrinale et spirituelle.

En face des incroyants et des mal-croyants, les prêtres doivent  être : des messagers intelligents d'une Bonne Nouvelle qu'ils n'ont pas à réinventer, mais simplement à traduire aux gens qui les entourent.Ils ont à être avec délicatesse et persévérance, des ministres de l'unité et de la communion entre les fidèles et entre les communautés de chrétiens de tous les milieux.

Appelés à être fondateurs et rassembleurs de communautés, avec l'aide des catéchistes, les prêtres se doivent d'être crédibles aux yeux des hommes par leur humilité, leur détachement des biens de ce monde et leur fidélité au Seigneur. (...)

De nos jours, les gens en général, veulent rencontrer des témoins qui, par leur manière de penser, d'être disponibles, de travailler, de partager, d'aimer, de célébrer, ne donnent pas simplement l'impression d'accomplir un devoir, mais de répondre à un appel intérieur. Les gens veulent découvrir dans le prêtre, la préoccupation constante de vivre en référence à Jésus-Christ qui inspire, stimule, redresse, qui est source de certitude, d'amour et de force.

Ce n'est, en fin de compte, que la puissance du témoignage qui peut éventuellement prouver à ceux qui observent les prêtres et les interpellent, que le Christ est toujours vivant. Ce sont surtout des convictions qui peuvent convaincre, lorsqu'elles paraissent assez profondes, sincères et contagieuses, lorsqu'elles expriment de la paix et de la joie. (...)

Il faut que le prêtre soit pris pour un témoin qui a rencontré Dieu, qui continue à le rencontrer et qui, par expérience, peut dire à d'autres par quels cheminements on peut le découvrir et se rapprocher de lui.

Au cours de cette année, comme précédemment, divers groupes humains qui s'opposent vont s'affronter, se critiquer, se combattre, se diviser davantage encore.

Le prêtre doit-il rejoindre un camp ?

Le prêtre ne doit pas être un simple "suiveur" qui court après les uns ou les autres, car les uns ou les autres, malgré leur bonne volonté, risquent de l'entraîner dans une impasse. (...)

L'Eglise, par le prêtre, n'a pas pour mission de fournir des forces d'appoint à tel ou tel parti politique, mais de stimuler l'esprit de créativité des hommes, de promouvoir des recherches plus saines et plus droites et de former les chrétiens au discernement, à l'engagement et à l'amour. (...)

 

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

 C'est quoi ça, "un évêque" ?

Un "évêque", sur la Côte Est on sait ce que c'est, on en a déjà vu. Des grands, des gros, des maigres. Quoique heureux, on est toujours un peu ennuyé quand ils débarquent, parce qu'on ne sait pas trop quoi en faire.

Qu'est-ce qui peut bien intéresser un évêque en dehors des cérémonies de confirmation ? Voyant qu'aucune initiative n'est prise de notre côté, alors, pour meubler le silence, ils parlent, ils parlent.

Parfois, ils ont tellement pris l'habitude de meubler nos silences qu'ils en sont arrivés à oublier que les deux oreilles dont les a pourvus le Créateur étaient initialement prévues pour écouter.

Nous avons les évêques que nous méritons !

Lorsqu'un évêque visite son diocèse, ce n'est pas pour aller de bougnas en bougnas, ni de discours en discours.

Il vient rencontrer ses frères, découvrir leurs préoccupations, chercher avec eux une solution chrétienne à leurs problèmes.

Il vient élargir leur horizon en leur faisant découvrir ce qui se fait et ce qui se cherche ailleurs.

Il vient rappeler à chaque membre du Corps combien sa propre vitalité est indispensable à la vitalité du Corps tout entier.

L'évêque vient redonner un élan nouveau à chaque communauté, mais il vient aussi recevoir de chacune des signes d'espérance qu'il pourra transmettre aux autres.

Le drame de nos communautés, c'est qu'elles reçoivent l'évêque comme un étranger de marque plus que comme un frère.

C'est bien sûr quelqu'un de l'extérieur qu'on peut imaginer bien loin de ce qui fait notre vie, nos préoccupations, nos aspirations... Et malheureusement - si cela était - il le resterait, si nous ne savons pas nous ouvrir à lui.

C'est d'autant plus malheureux, qu'envoyé par l'Eglise auprès de nous, il est envoyé par le Christ, "la Tête de son Corps".

Un évêque est un homme et, comme tout homme, c'est un vase d'argile, même si ce vase nous apporte les grâces incomparables dont Dieu veut faire part à son peuple.

Un évêque, bien qu'envoyé par Dieu, traîne avec lui ses limites et sa fragilité. Certains se taisent alors qu'ils devraient parler ( d'autres parlent alors qu'ils devraient se taire ! ). C'est à nous, par notre accueil, de les aider à remplir leur tâche divine malgré toutes leurs limites d'hommes.

Que Mgr Calvet soit le bienvenu.

 

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

 L'adolescence, un moment unique

L'adolescence est une période de la vie devant laquelle tout le monde se sent un peu désarmé. L'adulte ne comprend pas les réactions du jeune qu'il pensait pourtant bien connaître.
Le petit frère ne reconnaît plus son aîné qui le traite maintenant comme un gosse, alors qu'hier il partageait ses jeux. L'adolescent lui-même ne se comprend pas et cherche difficilement son équilibre.

Période difficile que l'adolescence ? Certes, comme toutes les périodes de mutation. Mais aussi quel bouillonnement de vie, quelle richesse de coeur, quel idéalisme ! On comprend qu'à leurs yeux les adultes paraissent souvent de vieux croûtons avec leur sagesse, leur expérience nourries du passé... alors que, eux, les jeunes, ce qui les intéresse c'est l'avenir ! Un avenir qu'ils veulent bâtir hors des cadres étroits "d'un autre temps", imposés par "la sagesse" et "l'expérience" de leur aînés. Ils aimeraient un peu plus d'idéal, un peu plus de folie, un peu plus de confiance en l'homme. Que les adultes sont décevants !

Les quelques lignes qui vont suivre voudraient aider à mieux connaître, aimer et aider les adolescents.

L'adolescence succède en général à une période de calme et d'innocence où l'instinct sexuel est en sommeil, et les conflits de la petite enfance oubliés.

A cet âge, le jeune ne peut plus se contenter, dans ses relations, du cadre familial. Il va à la recherche de personnes qui l'aideront à se définir. C'est l'époque où l'on se donne un modèle ( héros, champion, vedette ), où l'on se réunit en bande. Il va sans dire que cette richesse affective, cet enthousiasme, peuvent être exploités à des fins discutables.

La générosité de l'adolescence est sans équivalent. Tout lui est bon pourvu qu'il puisse se donner entièrement. Cette générosité, pour qu'elle trouve à s'épanouir, a besoin constamment de nouveauté et adopte tout ce qu'on lui propose.

L'adolescent s'oppose aux parents, aux idées reçues. En fait, il cherche à découvrir des valeurs qui lui soient propres, des valeurs auxquelles il pourra se consacrer de bon coeur parce qu'elle ne lui auront pas été imposées.

L'adolescent devient aussi "raisonneur". Il aime à répliquer, à discuter, à débattre de toutes sortes de théories, mais son jugement reste sommaire et manque de nuances ( c'est "tout bon" ou "tout mauvais" ); il prend des positions arbitraires, exagérées ( il a décidé que c'est comme ça, donc c'est comme ça ! ). Sujet aux revirements, aux contradictions, il est impulsif, hypersensible.

Les objectifs de l'adolescence : la recherche d'un partenaire sexuel, et la conquête de l'autonomie ( pouvoir se passer des autres ). L'adolescence s'achève quand le sujet a acquis un statut social ( c'est-à-dire quand il est reconnu pour lui-même et non plus en tant que "fils de untel" ), quand il a pu entrer dans la vie professionnelle et que sa vie sentimentale se stabilise sans sentiment de culpabilité.

On trouve parfois des "adolescents prolongés". C'est souvent la faute d'une société qui n'a pas su, ou qui n'a pas voulu, leur favoriser le passage à la vie adulte. Comme ils veulent trop tout bouleverser, on leur écarte l'accès à toute responsabilité !

Si la délinquance, les actes de vandalisme, etc... ne sont pas sanctionnés de la même façon par la justice, s'ils sont commis par un adulte ou par un mineur, il y a une raison à cela. Le cerveau est une machine complexe, qui se construit lentement et qui n'arrive à maturité que vers 18 ans. Cela peut se voir sur les tracés d'électroencéphalogramme. Le mineur ne peut donc pas être considéré comme pleinement responsable de ses actes.

Lancer des adolescents dans la lutte révolutionnaire, ce serait se préparer des lendemains douloureux. L'adolescent y entrera, certes, avec tout l'enthousiasme qui le caractérise, avec son désir de s'affirmer, de conquérir son autonomie face à ses parents et aux idées reçues. Il n'y a pas de meilleur révolutionnaire qu'un adolescent ( statistiquement, on tue plus souvent à 17 ans qu'à 35 ans ). L'ennuyeux, c'est que l'adolescent d'aujourd'hui sera l'adulte de demain. C'est sur l'adolescent d'aujourd'hui que reposera le poids de la Calédonie de demain.

La Calédonie de demain aura besoin d'hommes "solidement équilibrés" pour affronter le cap toujours difficile de l'indépendance. Elle aura besoin d'hommes qualifiés sur les plans intellectuels et professionnels..

Au moment de l'adolescence, c'est l'époque des rêves, des projets fous, et il faut mettre et remettre sans cesse le jeune sur son travail dont il a tendance à s'évader. Si on lui propose une échappatoire à son travail et un cadre à son enthousiasme à travers la lutte révolutionnaire... on se mijote pour demain un inadapté social, un habitué de la délinquance, dont le pays sera bien embarrassé quand, lui, sera arrivé à maturité.

Le meilleur endroit où le jeune puisse se battre - s'il veut vraiment bâtir demain - c'est bien encore derrière son bureau.

 

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

Le métier d'éducateur

un métier pas comme les autres

Un boulanger pas sérieux donnera du mauvais pain... ce n'est pas dramatique; un chauffeur pas sérieux esquintera sa mécanique... ce n'est pas dramatique; un agriculteur pas sérieux obtiendra une mauvaise récolte... ce n'est pas dramatique.

Un éducateur, s'il songe à lui avant de songer à sa responsabilité professionnelle... ce sont des gosses qui en pâtissent

Un gosse, c'est plus délicat et plus précieux qu'une machine. Un gosse perçoit, devine et enregistre tout, bien mieux qu'un ordinateur. Un gosse construit sa personnalité au fil des jours, d'après les influences qu'il subit. L'homme de demain s'inscrit dans le gosse d'aujourd'hui.

Un enseignant, ce n'est pas uniquement quelqu'un qui transmet un savoir. Qu'il le veuille ou non, c'est un modèle. Ses faits et gestes ne sont pas neutres. Il ne peut pas dire qu'ils ne regardent que lui. Observés par des yeux avides de découvrir un modèle, ils deviennent des critères.

L'enseignant, sans qu'il s'en rende souvent bien compte, joue un rôle essentiel dans le "devenir" des enfants que, par profession - et par routine parfois - il est amené à côtoyer quotidiennement.

Educateur, un métier pas comme les autres. Un métier merveilleux, au carrefour du devenir de l'humanité. Un métier exigeant

 

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

 Ecouter ce que nous disons...

A l'occasion de la fête patronale d'une tribu indépendantiste on m'a demandé de taper un vieux chant tiré du Saurin. Le refrain en était un vibrant "catholique et Français toujours", bissé par-dessus le marché. Les mélodies du Saurin sont souvent plaisantes et faciles à retenir mais, pour les paroles, il y aurait beaucoup à redire. Du sentimental à grosses larmes, un vocabulaire archaïque, une théologie douteuse.

Lorsqu'on choisit un chant, il ne faut pas regarder que la musique. Un chant est avant tout une prière, un coeur qui s'ouvre à Dieu. Il faudrait que nous puissions être profondément d'accord avec ce que nous chantons... ou nous taire. Et ce silence même serait une prière silencieuse... la prière du pauvre qui reconnaît qu'il a encore de la route à faire avant de mettre sa vie et son coeur en accord avec ce que sa foi lui dit.

Il en va de même pour toutes les prières que nous "récitons". Deux années de suite j'ai frémi lorsque, le Samedi Saint, alors que l'église a été complètement dégarnie, le tabernacle ouvert et le Saint-Sacrement déposé à la sacristie... j'ai vu des enfants s'agenouiller en direction de l'autel et leur enseignant commencer :"Seigneur Jésus, je crois que vous êtes ici présent, caché dans le tabernacle..."

Les mots que nous disons doivent traduire notre coeur.
            Souvent aussi, ils viennent nous provoquer, nous sortir de notre tranquillité en nous rappelant ce que devraient être les sentiments de notre coeur.

 

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

Ré-apprendre à dire "non !"

Réflexion de Eloi Diohoué, tirée de Eglise de N.C.

Pourquoi, aujourd'hui, y a-t-il tant de crimes et de malhonnêteté ?
         Pourquoi les enfants sont-ils si difficiles ?
         Qu'est-il arrivé à notre code de valeurs morales ?

Personne ne peut trouver une juste réponse à ces questions. Mais je connais une chose qui fait défaut : nous avons perdu l'usage d'un des mots très importants à notre façon de parler. C'est un petit mot d'une portée énorme : "Non".

Toute ma vie, par la parole et par la plume, j'ai préconisé une attitude positive à l'égard de l'existence. Je continue à croire qu'il est extrêmement important de savoir dire "oui" pour faire de la vie une réussite. Mais cela ne suffit pas. Ce monde est plein d'espoir et de joie, mais on y trouve aussi le mal, l'immoralité, le péché. On ne peut pas dire "oui" à ces choses là, on ne peut même pas dire "peut-être" ! Il faut dire fermement "non" et s'y tenir. Or, en bien des domaines, c'est précisément ce que nous ne faisons pas.

Parents, nous répugnons à utiliser ce mot, par crainte de faire de la peine à nos enfants. Nous soutenons des politiciens qui font monter à nos yeux des avantages et des faveurs, au lieu de crier "non" et de les jeter dehors. Les distractions que nous payons de nos deniers, nous acceptons qu'elles tombent à un niveau de plus en plus bas.

Cela, nos aïeux ne le faisaient pas ! Ils croyaient à la réalité du péché. Ils croyaient que l'homme a la possibilité et le devoir de l'extirper de sa vie, avec l'aide de Dieu. Ils savaient dire à la peur, à la mollesses, à la décadence : NON !

Cette aptitude à faire sonner le "NON" bien haut, il nous faut la reconquérir. Cela est particulièrement indispensable en plusieurs domaines. D'abord il faut apprendre à dire "non" à nos enfants. Chose curieuse, ils souhaitent souvent que nous le fassions. Nos compromis de faiblesse les troublent. Ils ont éperdument besoin d'accrocher leur fidélité à un roc solide. Ils peuvent se donner des airs fanfarons mais, quand il s'agit de questions essentielles de morale ou de conduite, ils ne font pas confiance à leur jugement.

Pensez-vous que les jeunes adolescents qui saccagent les magasins et les appartements sont satisfaits de leurs exploits ? Je ne le pense pas. Je suis même certain qu'ils espéraient, en se livrant au pillage, que quelqu'un de qualité allait survenir, qui leur dirait "NON". Je pense que ces jeunes là étaient si peu habitués à entendre prononcer ce mot catégorique, qu'ils ne savaient pas se le dire à eux-mêmes. C'est là le noud du problème. Si nous voulons obtenir une génération plus ferme et plus hardie, capable de survivre dans notre civilisation atomique où la loi du plus fort est courante, il faut que nous apprenions à prononcer plus souvent un NON catégorique. "Non", je ne te conduirai pas en voiture. "Non", tu n'iras pas au cinéma. "Non", tu ne regarderas pas ce film à la télévision, il n'est pas bon pour toi. Si cela rend la vie de la jeunesse un peu plus dure, tant mieux !

L'un des grands problèmes de notre époque est de préserver la génération montante des effets d'une civilisation vouée à la poursuite du luxe et du moindre effort. Il y avait un temps où les enfants ramassaient du bois, transportaient l'eau, cherchaient la nourriture pour les bêtes. Cela ne se fait presque plus maintenant. Ils sont aujourd'hui menacés de perdre, par notre faute, ce qui est peut-être leur plus précieux héritage : l'habitude de la lutte.

Il faut que nous réapprenions à dire NON dans la société où nous vivons. Il faut redécouvrir la valeur du NON dans notre conduite personnelle. Il est temps de ne plus chercher de bonnes raisons au mal, de ne plus l'excuser.

Nous devons toujours dire NON à la tentation, et c'est possible, car Dieu ne permet jamais que nous soyons tentés au-dessus de nos forces.

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

Dire "oui" à Dieu

Toutes les communautés chrétiennes de N.C. ont-elles donc déjà les responsables compétents dont elles ont besoin pour être des communautés vivantes...et non un ramassis occasionnel de baptisés à l'occasion des messes ? Je ne le pense pas.

Penses-tu que Dieu a dans son plan de laisser ainsi son peuple sans guide, sans animateur ? Non ! Dieu compte sur ses enfants pour qu'ils s'engagent et se mettent au service de leurs frères.

Tu penses bien sûr qu'il ne s'agit pas de toi ! D'ailleurs, tu n'as pas la vocation : tu n'as jamais entendu l'appel de Dieu ! N'entends-tu pas l'appel de tes frères ? Ne sens-tu pas combien ta tribu meurt de ce manque d'animateur ? Crois-tu que c'est autre chose que ça "l'appel de Dieu" ?

Tu as peur ? C'est bon signe ! ça veut simplement dire que ce n'est pas toi qui choisis... mais que tu es choisi ! Tu ne t'engages pas pour l'honneur du titre mais pour le service difficile de tes frères. Crois-tu que Dieu va laisser tomber ceux qu'il appelle ? Si tu demeures avec Lui, il demeurera avec toi.

 

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

Pourquoi les jeunes ne se marient-ils pas ?

Conseil Pastoral

Peur du mariage et de ses responsabilités ? Pas toujours, puisque beaucoup vivent un "concubinage sérieux".

Le mariage religieux ne se fait pas quand le mariage coutumier n'a pas eu lieu. Et pourquoi le mariage coutumier n'a-t-il pas lieu ? Ce n'est pas uniquement pour des questions financières !

  • Il y a souvent de la négligence de la part de ceux qui devraient entamer les démarches coutumières? C'est la négligence-paresse... "Pourquoi aller se compliquer la vie avec toutes ces histoires; qu'ils restent comme ils sont, c'est aussi bien !" Les jeunes ne sont pas en cause. Il faut relancer les parents, comme le font actuellement les "commissions-mariage", pour que les choses commencent à bouger.
  • Il n'y a pas que la négligence qui soit en cause. Il y a aussi une certaine réticence de la part des parents. Ils ne sont pas bien d'accord avec le mariage de leur enfant, alors ils ne font rien pour entamer les démarches.

Pourquoi cette reticence de la part des parents ?

  • Certains croient que leur enfant leur appartient, et ils ne sont pas préparés à l'idée "de le perdre... alors ils trouvent des tas de raisons : leur gosse est trop jeune; il a fait "un mauvais choix"; ils n'ont pas de maison ou de travail... Dans certaine famille c'est le père, dans d'autre c'est la mère qui met ainsi des obstacles systématiques au mariage de leurs enfants. Ces obstacles, c'est en fait le plus sûr moyen de perdre son enfant !
  • Des parents bloquent des mariages parce que le choix ne leur convient pas, souvent à cause de vieilles histoires de familles. On ne veut pas, par le mariage coutumier, se créer des liens, des obligations, avec tel ou tel clan.

Les enfants sont-ils obligés d'épouser les querelles de leurs parents ? Par la patience, ils pourraient peut-être arriver à faire se réconcilier leurs familles.

Il faut bien reconnaître cependant qu'il y a des familles manquant de tout savoir vivre et, se lier à de telles familles... on ne sait pas jusqu'où ça peut aller ! Dans ces cas-là, les parents devraient autoriser le mariage religieux des deux jeunes qui s'aiment. Un tel mariage lie le garçon et la fille sans créer pour autant des obligations entre les deux familles.

Il y a parfois mariage coutumier, mais pas mariage religieux. Pourquoi ?

Pour beaucoup, le mariage coutumier a déjà un caractère sacré, et ils ne voient pas ce qu'apporterait de plus un mariage religieux.

On peut déjà indiquer ici, rapidement, le sens du mariage religieux :

  • c'est une action de grâce : on vient remercier Dieu d'avoir permis que nos routes se croisent.
  • on reconnaît que l'amour qui nous lie l'un à l'autre doit être bâti sur un modèle. Et ce modèle c'est l'amour que Dieu porte à son Peuple. Il est fait d'oubli de soi, de patience, de délicatesse...
  • c'est un engagement à faire de ce foyer un foyer chrétien, où la prière ait sa place, où les enfant sont éduqués dans la foi, où l'on s'efforce de réagir selon l'Esprit du Christ aux évènements de la vie.
  • c'est une demande d'aide auprès de Dieu, pour qu'il nous aide à faire de cette union quelque chose de vraiment réussi.

Mais, s'il y a peu de mariages, ce n'est pas uniquement la faute des parents !

  • Des jeunes ne voient pas intérêt à se marier. Ce qu'ils cherchent en se fréquentant, c'est plus le "chaud au coeur" et le plaisir de la rencontre sexuelle que le désir de fonder une union durable.
  • Les filles se méfient des garçons : "ils boivent et nous astiquent"; "on ne voit pas l'argent arriver à la maison"; "on doit se débrouiller toutes seules : les hommes arrivent quand il faut manger ou quand ils ont envie de nous"; "ils n'ont pas de volonté"...
  • Les garçons se méfient des filles : "avec les filles, ou les femmes, nous avons toujours les poches vides"; "elles nous bouffent depuis la tête jusqu'aux pieds"; "elles aiment à peu près tous les hommes"... Mais les garçons reconnaissent : "le mariage n'est pas la première chose qu'on a en tête".

Des filles se font faire un gosse pour combler leur désir de maternité. Mais, traîner un mari toute la vie... certaines hésitent.

Rester libres

Cette idée est souvent revenue dans les réponses au questionnaire. "On ne se marie pas pour rester libres", "on ne veut pas engager l'avenir".

La liberté, c'est un mot qui est souvent mal compris.

  • la liberté, ce n'est pas faire ce qui me plaît, quand ça me plaît.
  • être libre, c'est pouvoir s'engager réellement et personnellement dans ce que l'on fait.

Le refus du mariage est souvent un refus de s'engager.

Une société où les hommes refusent de s'engager, où les hommes refusent les responsabilités, est une société en train de mourir.

Il faudrait arriver à trouver les causes de ce refus des responsabilités, afin de guérir ce mal qui détruit notre société en amenant chacun à ne faire que ce qui l'arrange.

Certains signalent le manque de courage.

Notre société ne forme plus les jeunes au sens de l'effort et des responsabilités. "Dans les tribus, les parents laissent faire les gosses comme font les autres".

... il est sûr que, lorsqu'on n'a pas habitué le jeune à faire autre chose que ce qui lui plaît sur le moment, on ne l'a pas exercé à l'effort, ni préparé à prendre des responsabilités engageant l'avenir.

La référence, maintenant, c'est "ce que font les autres".

Ce n'est plus la coutume, ni la religion.

Quelques-uns, pour redonner le goût de l'effort et le sens des responsabilités, proposent le retour à la religion.

... il est sûr qu'une fois bien vécue exerce le sens de l'effort, de la discipline personnelle et qu'elle éveille au sens des responsabilités ( on s'y découvre responsable de soi et des autres ).

Certains estiment que les notions de liberté, d'indépendance mises en avant dans les revendications politiques, sont une des raisons qui conduisent les jeunes à n'en faire qu'à leur tête.

... là, les partis politiques auraient un sérieux travail d'explication à faire, car le pays est mal parti si les jeunes mettent derrière le mot "indépendance" "n'en faire qu'à sa tête", et refusent tout ce qui est contraignant !

En beaucoup d'endroits, surtout dans le milieu jeune, la politique a remplacé la religion. La politique, c'est la libération des contraintes; la religion symbolisant au contraire tout ce qui est contraignant !

... il faudrait faire découvrir aux jeunes ( et même aux adultes ! ) qu'une société où chacun ne voudrait n'en faire qu'à sa tête est une société en voie de disparition, et qu'une société où l'homme s'impose des exigences et accepte des responsabilités est au contraire une société solide. Cette société solide, c'est le tuteur indispensable pour nous aider à tenir bon dans les moments difficiles.

"La politique a ébranlé tout ce qui était autorité". L'autorité coloniale bien sûr, mais aussi l'autorité coutumière quand elle était trop liée à l'autorité coloniale, et même celle des parents.

C'est ce qui fait que l'institution du mariage, pourtant un des piliers sur lesquels repose la société, a été remise en question.

Des vieux accusent l'Eglise de la dégradation de la société. Ils disent que c'est depuis le Concile que chacun fait comme il a envie. "Avant, on respectait les lois, la coutume. Avant, on savait qu'il y avait des choses à faire et des choses à ne pas faire..."

... les gens ont mal compris. Le concile n'a jamais dit qu'on était libre de faire comme on voulait. Le concile a dit que ce qui faisait la valeur d'un acte, c'est la liberté avec laquelle on l'accomplissait.

Ainsi, pour l'Eglise, un mariage qui aurait été forcé n'aurait aucune valeur. C'est sûr ! On ne fait rien de solide à contre-coeur. ça ne veut pas dire que l'Eglise ne pousse pas les jeunes à s'engager dans la responsabilité d'époux et de parents... bien au contraire, car c'est la base de la société !

 

UNIONS MIXTES

Les unions mixtes sont une des raisons pour lesquelles, souvent, il n'y a pas de "mariage officiel".

...Les gens sont mal informés. Ils croient qu'un catholique et un protestant ne peuvent pas se marier. C'est faux ! C'est au contraire dans les foyers mixtes que peut se vivre le plus en profondeur le rapprochement des Eglises.

Un mariage mixte doit être bien réfléchi, afin de voir comment vont être éduqués les enfants, mais il n'y a rien qui les empêche. Le mariage peut se faire soit au Temple, soit à l'église.

 

ENGAGEMENT A VIE

Beaucoup, de jeunes surtout, ne voient pas la nécessité de l'engagement à vie et n'ont pas réfléchi à la question car "il n'y a pas eu d'information à ce sujet".

A certains, ça fait peur...

  • "à cause de la coutume"
  • ou bien par "manque de confiance dans l'autre"
  • ou encore "par manque de courage"

D'autres n'ont pas peur :

  • "l'engagement à vie ne fait pas peur quand on s'aime vraiment".
  • Certains n'ont pas peur... "car nous aurons recours au divorce" ( mais est-ce s'engager à vie que de songer au divorce en cas de difficulté ? )

Une tribu répond que l'engagement à vie est nécessaire :

  • à l'équilibre des enfants... donc de la société à venir
  • à l'équilibre de la famille
  • à l'équilibre de la tribu

alors que d'autres pensent que ça ne change rien à la vie de tous les jours de se marier.

 

UNE DEMARCHE PERSONNELLE

Le mariage coutumier n'est pas toujours suivi du mariage religieux. On estime souvent que ça suffit, que le principal a été fait.

Pour ce qui est d'entamer les démarches pour le mariage religieux, on ne sait pas trop à qui ça revient - car ce n'est pas défini par la coutume -, alors chacun compte sur les autres et personne ne fait rien.

Certains disent que ça revient au catéchiste, et certains précisent "mais celui-ci doit être mis au courant par les parents des mariés", d'autres que ça revient aux parents, en précisant "en accord avec les jeunes".

...en fait, tout ce qui est démarche de foi est une démarche personnelle. Il n'y a pas de sentier coutumier à suivre pour ça.

C'est au nom de leur foi que les jeunes doivent demander, ou ne pas demander, le mariage religieux.

Le mariage religieux n'est pas une formalité, mais un geste qui exprime la foi.

Si les jeunes n'ont pas une foi vivante et personnelle, il ne faut pas les pousser à "régulariser leur situation" mais éclairer leur foi. Après seulement, alors, ils pourront faire naturellement cette démarche qui sera source de richesses pour leur foyer.

  

N° 71 fin août 1980

LE PASSEUR

Naissance du Vanuatu

Le 30 juillet, le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides a cédé la place à une nouvelle République. C'est un événement pour le Pacifique, et tout particulièrement pour le Sud-Pacifique francophone. Les banderolles à l'entrée de la coopérative de Tiéti nous rappelaient que demain ce serait notre tour.

Nous ne pouvons que souhaiter une prompte réconciliation nationale, qui nécessitera bien sûr des concessions mutuelles de part et d'autres. Espérons que tous ces hommes qui ont enfin accès à une citoyenneté sauront voir plus grand et plus loin que l'horizon de leur clan, de leur île ou de leur parti et qu'ils auront à coeur de faire de ces îles un pays avec une conscience nationale.

Souhaitons que les étrangers, parfois enracinés depuis longtemps dans le pays, sauront admettre que l'ordre des choses a changé et qu'ils ne sont plus que des hôtes. Hôte désirable ou indésirable... cela dépend de leur attitude face au nouvel Etat.

 


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