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Chaque année est riche d'enseignements
Laissons l'émotion
La famille pépinière d'adultes
Jeanne, une sainte. Ataï, un démon ?  
Pourquoi devoir faire grève ?
Un évêque qui prenait position...
Un Dieu qui a pris racines

 

 

 

 

 

 

 

  
fin février 1980

Rien de nouveau sous le soleil

 "Ce qui a été dit, c'est ce qui sera; ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera : rien de nouveau sous le soleil".

C'est ce que disait Qohélet, dans la Bible, c'est ce que peuvent dire les enfants et tous ceux qui doivent "reprendre le collier" au départ de cette nouvelle année scolaire.

On peut remettre ça avec un certain sentiment de lassitude au fond du coeur ou, au contraire, avec une certaine espérance : c'est avec l'expérience de l'année dernière que je commence celle-ci. Avec l'expérience de ce que j'ai tenté et avec l'expérience de mes limites.

Rien de nouveau sous le soleil ? Si, moi ! Moi qui, riche de l'expérience de 1979, ne vais pas aborder 1980 de la même façon.

1980 sera une année unique pour chacun de nous. Une fois terminée, il ne sera pas question de revenir en arrière. Ce sera une année achevée. Une année réussie ou une année gaspillée. Mais pour le moment, cette année n'est pas encore derrière nous : elle est devant nous.

Je ne l'aborde pas seul parce que je ne suis pas Robinson Crusoé.

Ce pourrait être la tentation de certains, suite aux difficultés de l'an passé, de se replier sur eux-mêmes car "décidément, la vie en communauté, c'est trop compliqué".

Mais la communauté éducative, les comités paroissiaux, les associations de parents d'élèves ne sont pas des structures dont, après tout, l'école et la paroisse pourraient se passer.

Sans elles, l'école et la paroisse sont comme des malades au "goutte-à-goutte à l'hôpital. Ils ne sont pas morts, non, mais ils ne sont pas éclatants de vie !

Sans vous, c'est tout ce que nous pouvons faire : maintenir en vie l'école et la paroisse.
En faire des communautés éclatantes de vie, ça dépend de votre participation.

 Que 1980 se bâtisse sur l'expérience de 1979.

 

 

n° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR

Editorial

Le mois le plus beau ?

Un vieux chant que, tous nous connaissons, nous dit que le mois de Marie est le mois le plus beau. Souvent les chants anciens cherchent à faire vibrer la corde de l'émotion, du sentiment.

Durant ce mois de Mai, nous devrons aller plus loin. Il ne suffit pas d'être ému par Marie et l'exemple qu'elle nous donne d'une vie toute attentive à Dieu. Ce qu'il faut, c'est que, tout au long de ce mois qui lui est particulièrement consacré, monte en nous le désir d'une vie beaucoup plus attentive à Dieu.

Un tel désir ne peut naître que de la contemplation silencieuse. Il ne suffit pas de louer, de prier et de chanter Marie. La Marie éternelle, celle que les artistes ont figée dans le plâtre, est bien plus qu'une femme du passé qu'il nous faut honorer : elle est la Mère qui, aujourd'hui, cherche à conduire chacun de ses enfants sur la route d'une vie réussie.

Méditer chacun des mystères de sa vie, mais aussi écouter celle qui, aujourd'hui, veut me guider pour ma vie présente. Si vraiment j'ai été attentif à Marie, je serai habité de désirs neufs. Je serai peut-être obsédé comme d'un rêve douloureux :"Ah ! si seulement, moi aussi, je pouvais..."

Ne rêve pas ! Essaie seulement et tu verras : tu peux ! Dieu ne donne pas sa force à ceux qui, nostalgiques, rêvent sur le bord.

Marie ne nous demande pas de l'honorer, elle nous invite à écouter ses appels pressants à "vivre" vraiment. Ce mois de Marie peut être le plus beau si, acceptant la main tendue de ma Mère, je repars effectivement dans la vie, décidé à répondre à l'invitation pascale de son Fils qui m'invite à mourir à une certaine façon d'être pour renaître à une vie tout autre.

Ce mois de Marie peut être aussi le plus beau s'il donne à chacune de nos communautés l'occasion de se rassembler pour une prière quotidienne commune. C'est au cours de ces rassemblements "gratuits", non imposés par une quelconque loi de l'Eglise, que s'exprime le plus librement notre faim de Dieu et le besoin que nous avons d'une communauté pour vivre.

 

 

N° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR

Le Concile Vatican II et la famille

La FAMILLE est le LIEU DE RENCONTRE DE PLUSIEURS GENERATIONS qui s'aident mutuellement

  • à acquérir une sagesse plus étendue
  • et à harmoniser les droits des personnes avec les exigences de la vie sociale, aussi constitue-t-elle le fondement de la société.

Voilà pourquoi tous ceux qui exercent une influence sur les communautés et les groupes sociaux doivent s'appliquer efficacement à promouvoir le mariage et la famille.

La Famille est en quelque sorte une école d'enrichissement humain.

Mais pour qu'elle puisse atteindre sa mission, elle exige :

  • une communion des âmes empreinte d'affection,
  • une mise en commun des pensées entre les époux
  • et aussi une attentive coopération des parents dans l'éducation des enfants.

La présence agissante du père importe grandement à leur formation; mais il faut aussi permettre à la mère, dont les enfants, surtout les plus jeunes, ont tant besoin, de prendre soin de son foyer sans toutefois négliger la légitime promotion sociale de la femme.

Que les enfants soient éduqués de telle manière qu'une fois adultes, avec une entière connaissance de leur responsabilité, ils puissent suivre leur vocation, y compris une vocation religieuse, et choisir leur état de vie, et que, s'ils se marient, ils puissent fonder leur propre famille dans des conditions morales, sociales et économiques favorables.

Il appartient aux parents ou aux tuteurs de guider les jeunes par des avis prudents, dans la formation d'un foyer; volontiers écoutés des jeunes, ils veilleront toutefois à n'exercer aucune contrainte, directe ou indirecte, sur eux, soit pour les pousser au mariage, soit pour choisir leur conjoint.

Les parents, parce qu'ils ont donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les élever et, à ce titre, doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs.

Le rôle éducatif des parents est d'une telle importance que, en cas de défaillance de leur part, il peut être difficilement suppléé.

La famille est la première école où l'on apprend à vivre en société. C'est surtout dans la famille chrétienne que, dès leur plus jeune âge, les enfants doivent apprendre à découvrir Dieu et à l'honorer ainsi qu'à aimer leur prochain; c'est là qu'ils font la première expérience de l'Eglise et de l'authentique vie humaine en société; c'est par la famille qu'ils sont peu à peu introduits dans la communauté des hommes et dans le peuple de Dieu.

Que les parents mesurent donc bien l'importance d'une famille vraiment chrétienne dans la vie et le progrès du peuple de Dieu lui-même.

Précédés par l'exemple et la prière commune de leurs parents, les enfants, et même tous ceux qui vivent dans le cercle familial, s'ouvriront plus facilement à des sentiments d'humanité et trouveront plus aisément le chemin du salut et de la sainteté.

Avant tout, l'éducation des jeunes doit susciter des hommes et des femmes qui ne soient pas seulement cultivés, mais qui aient aussi une forte personnalité, car notre temps en a grand besoin.

Mais pour que tous soient poussés à participer à la vie des différents groupes qui constituent le groupe social, ils faut qu'ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent et qui les disposent à se mettre au service de leurs semblables.

L'avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d'espérer.

 

 

N° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR  

JEANNE

Il n'est pas question ici de DAME-JEANNE à qui nos conseillers territoriaux ont interdit de vendre ses charmes sur la place publique les fins de semaine, mais de JEANNE LA PUCELLE.

Sa fête, je devrais dire ses fêtes sont en mai. Elle est la patronne de la chapelle de Poindimié.

Il se trouva un jour question d'elle sur les murs d'une chapelle :

JEANNE D'ARC : LIBERATRICE DE LA FRANCE = UNE SAINTE

ATAÏ : LIBERATEUR DES KANAKS = UN DEMON

Il y avait ensuite une question posée à l'Eglise mais dont je ne me rappelle plus les termes exacts. Je voudrais y répondre.

  • d'une part, l'Eglise n'a jamais traité ATAÏ de démon, et reconnaît aisément qu'il puisse être vénéré et respecté comme le sont d'autres grands hommes qui sont des symboles pour leur peuple ( GHANDI, BOLIVAR, SANDINO... )
  • d'autre part, ce n'est pas pour le rôle qu'elle a joué dans la libération de son pays que l'Eglise vénère Jeanne d'Arc.

Il y a deux fêtes de Jeanne d'Arc : le 8 et le 30 mai.

  • le 8 mai, c'est la fête civile. C'est l'anniversaire de la délivrance d'Orléans. Ce jour là, les Français fêtent la fille de France, libératrice de son pays.
  • l'Eglise, elle, célèbre la mémoire de sainte Jeanne d'Arc le 30 mai, au jour du bûcher de Rouen. Car ce n'est pas en tant que libératrice de la France qu'elle l'honore, mais en tant que fille de l'Eglise, restée fidèle à sa foi jusqu'à la mort.

Jeanne aurait pu échapper à la mort : il lui suffisait de dire qu'elle avait menti au sujet de ses apparitions. Tous, autour d'elle, la poussait à ça. Elle aurait pu si facilement obtenir la tranquillité : un mot et c'était fait. Mais elle ne pouvait mentir "pour sauver sa peau". Elle fit confiance à Dieu et à sa justice plutôt que de chercher la faveur des hommes.

"Jeanne, dans les difficultés d'aujourd'hui, nous serions tellement tentés de mettre notre foi de côté... "pour qu'on nous laisse en paix". Aide-nous."

 

  

N° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR

Les grèves de Septembre

Vous vous rappelez peut-être que l'an dernier l'enseignement privé avait été pris à parti par la Presse locale et une partie des élus. Il y avait eu des grèves en septembre. On a tout de suite dit que c'étaient des grèves "politiques", et que le Territoire ne donnait pas des sous aux écoles privées pour en faire des foyers de révolution. Les pires menaces étaient adressées à ces écoles.

De fait, il s'agissait d'une revendication financière : les écoles privées réclamaient la parité avec les bourses d'Etat et la prise en charge du personnel de service par le Territoire, comme cela était prévu dans la Convention passée avec celui-ci. La situation devait être éclaircie d'urgence, certains internats n'ayant plus d'argent et les commerçants refusant de leur faire crédit plus longtemps.

L'action des parents a été bénéfique puisque :

  • les aides-internat ( pour les internes de moins de 16 ans habitant à plus de 5 km de l'école ) sont passées de 23.000 F à 40.500 F
  • les ½ aides-internat ( pour les demi-pensionnaires habitant entre 3 et 5 km de l'école ) sont passées de 9.000 F à 16.100 F
  • les aides-familiales ( pour les externes habitant entre 3 et 5 km de l'école ) sont passées de 8.700 F à 15.000 F

Cette première année, le salaire des cuisinières va être pris aussi en charge pour 30 % par le Territoire.

La gestion financière sera donc, cette année, beaucoup facilitée.

 

 

N° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR

UN EVÊQUE QUI PRENAIT POSITION

A la fin du mois de mars, Mgr Romero, Archevêque de San Salvador, était abattu par quatre hommes armés de mitraillettes, au moment où il disait la Messe.

C'était un homme modéré, timide, très calme dont la nomination au début de 1977 avait réjoui les puissants, à tel point qu'on lui offrait une cadillac et une villa somptueuse. Il les refusa.

Un mois après son arrivée, une manifestation est réprimée dans le sang. L'un de ses prêtres ( le 1er d'une série de 6 ) est assassiné. Le P. Roméro est engagé depuis ce jour, à temps et à contre-temps, dans la proclamation de l'Evangile quels que soient les risques.

Face à la crise que traverse son pays, il devait dire "Ce n'est pas à l'Eglise de dire à quelle heure doit éclater l'insurrection armée, mais elle peut rappeler la doctrine traditionnelle de l'Eglise qui légitime le recours aux armes quand on a épuisé tous les moyens pacifiques". Bien que grand défenseur des organisations populaires révolutionnaires, il n'hésitait pas à les critiquer en leur demandant "d'avoir une plus grande capacité de dialogue, de ne pas négliger les possibilités de solutions pacifiques", et même à dénoncer "leurs abus de pouvoir" et les méthodes d'intimidation qu'elles utilisent pour "convaincre" leurs militants.

"Il nous faut trouver le courage de prêcher le vrai Evangile, ne pas craindre les affrontements plutôt que de chercher des stratégies subtiles" disait-il, il y a un an.
          Il en est mort.

 

 

N° 69 fin avril 1980

LE PASSEUR

LE DIEU "POUR NOUS AUTRES"

En prenant chair de la Vierge Marie, le Fils de Dieu s'est inséré dans une histoire, une culture, une façon de penser juives. Dans ses paraboles il utilise des images, il fait des allusions qui sont parlantes à son auditoire juif.

En entrant dans l'humanité, le Fils de Dieu nous a montré combien il prenait au sérieux tout ce qui faisait ainsi l'âme d'un peuple, mais il a aussi accepté, par la même occasion, une certaine limitation.

Lorsqu'il était à Cana, il ne pouvait être à Génésareth; lorsqu'il parlait dans sa langue, des étrangers ne pouvaient le comprendre. Devoir passer par le langage pour s'exprimer était aussi une limitation : les mots sont pauvres pour exprimer les profondeurs de l'âme ( " ils ne le comprirent pas " ). Une parole peut être aussi interprétée de travers par quelqu'un de mal disposé.

Le Fils de Dieu a accepté toutes ces limitations parce qu'elles sont le lot de tout homme, et qu'il a voulu être vraiment homme pour sauver vraiment les hommes. Accepter ces limites jusqu'au bout, c'était pour Dieu sa façon de montrer aux hommes combien il les aimait vraiment.

Avec la Pentecôte, l'action de Dieu prenait un visage à la fois plus universel et plus personnel. Alors que Jésus semblait s'adresser à "un auditoire", nous savons combien l'Esprit s'adresse à nous personnellement. C'est "moi" qui suis visé, parce que c'est avec "moi" que Dieu cherche le contact.

Que Jésus ait été Juif et non Indien ou Kanak, cela veut-il dire que ce n'est pas "le Dieu pour nous autres" ? Dieu s'est inséré dans l'histoire, la culture et la sensibilité d'un peuple. Par cela, Dieu veut nous dire que notre foi doit s'exprimer à travers notre histoire, notre culture et notre sensibilité propres. C'est entre autres ce que le Pape est allé dire aux évêques africains lorsque, le 4 mai, il leur a parlé de l'africanisation.

Dieu ne se moque pas des hommes. C'est avec "leurs racines", avec tout ce qui fait "qu'ils sont ce qu'ils sont" qu'il les attend. Mais le désir noble d'authenticité, rappelle le Pape, ne doit pas "détourner l'homme de son devoir de conversion".

 


fx.devivies@ddec.nc