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 LETTRE DU SUPERIEUR GENERAL

1er décembre 2003

Chers confrères,

En juillet dernier, les confrères d’Espagne tout comme ceux des Philippines demandaient la permission de prendre la responsabilité de paroisses. En Espagne, il s’agit de San Andrés del Ribanedo et de Trobajo del Camino dans le diocèse de León, où nous avions déjà depuis 1995 la responsabilité d’un ministère auprès des jeunes et également dans le domaine des vocations. Nos confrères en sont arrivés à la conclusion qu’ils devraient travailler à partir d’une base paroissiale. Aux Philippines, il a été décidé d’établir une communauté à Digos à l’est de Mindanao, avec deux tâches : un travail paroissial et une aumônerie d’étudiants à l’Ecole Supérieure (+/-11.000 étudiants). Le projet implique que nous partions de Cotabato City, où nous étions actifs dans une grande paroisse et dans un centre social. En conseil nous avons discuté de façon approfondie ces demandes. Ce qui montre que nous ne voyons pas que l’acceptation de paroisses aille de soi. Cependant, dans les deux cas, nous avons fini par donner le feu vert. Et cela montre que notre administration n’est pas, par principe, contre le travail paroissial.

Les Maristes ont toujours ressenti un attachement à l’Église locale. Le but des missions dans le Bugey était de renouveler les paroisses. Pourtant Colin était d’avis que la Société ne devait pas accepter de paroisses, sauf dans les territoires de mission et dans les centres de pèlerinage. Ses constitutions de 1872 (n° 7) reflètent bien cette orientation. C’était principalement à cause de notre vocation missionnaire. Les activités apostoliques qu’il choisissait pour la jeune Société, les missions dans le Bugey, le collège de Belley, les missions en Océanie, montrent bien le dynamisme intérieur qu’il désirait implanter dans notre Société, et comment elles répercutent l’appel à sortir des sentiers battus pour ‘aller de place en place’ (Const. 1872, n°4; Const. 1988, n° 12).

Les paroisses, avec leur cadre géographique et leurs structures fixes concordent moins bien avec cette vision missionnaire. Colin n’était pas le seul à penser ainsi. Des congrégations comme les Lazaristes, les Rédemptoristes et les Marianistes pensaient de même.

Comme toujours, la réalité se trouve plus compliquée que l’idéal. Colin lui-même avait fait exception pour les territoires de mission et les centres de pèlerinage. Au 19ème siècle le concept de ‘territoire de mission’ était un concept assez élastique. L’Océanie était un territoire de mission, mais d’autres pays aussi, telle l’Angleterre, qui relevaient de la Propaganda Fide. Ceci explique pourquoi, en 1850, Colin accepta la paroisse Ste Anne à Londres. Par la suite il y eut beaucoup d’autres paroisses, d’abord en Nouvelle Zélande et aux Etats Unis, puis plus tard dans d’autres provinces. Le chapitre général de 1961 mit nos constitutions en conformité avec la réalité : le ministère paroissial, déclarait-il, est conforme à notre vocation, s’il est mené dans l’esprit de la Société.

Mais malgré cela, le débat sur les paroisses se poursuivit. Des études historiques ont apporté de nouvelles lumières sur l’appel missionnaire originel de la Société. D’un autre côté on a fait valoir que nos paroisses, après Vatican II, sont des réalités assez différentes de celles que le P. Colin avait en tête. Les nouvelles constitutions de 1988 ne disent plus que le travail paroissial fait partie de notre vocation. Elles expriment plutôt l’intuition de base de notre fondateur. Comme Maristes, nous devons travailler d’abord et avant tout dans la perspective de l’Église à implanter, de l’Église à renouveler. Cela passe avant les activités dans des communautés déjà bien établies (n° 14).

Faisons le point:
    a) il y a les objections du P. Colin concernant la prise en charge de paroisses ;
    b) nous nous rendons compte que le ministère paroissial aujourd’hui, plus qu’au temps du P. Colin, peut créer des conditions précieuses pour une présence missionnaire;
    c) nous savons que dans certaines parties de la Société le ministère paroissal a une longue tradition ;
    d) cependant
la forte concentration sur le ministère paroissial ne fait certainement pas partie de notre tradition. Selon le rapport démographique préparé pour le chapitre général de 2001, d’après les informations données par les provinces, les districts et les délégations, les paroisses ne représentent pas moins de 75% des ministères communautaires de la Société (ceux pour lesquels la Société a la responsabilité de fournir le personnel).

Dans tout cela la considération la plus importante est liée directement au mystère de l’Avent et de Noël. Où l’incarnation de Dieu a-t-elle lieu ? Avec raison, l’on peut penser aux paroisses où la Parole est annoncée, les sacrements célébrés et où le service pastoral est assuré. Mais le Verbe se fait chair de différentes façons, et il y a des éléments fondamentaux de la vie de l’Evangile qu’il est difficile de réaliser dans le cadre d’une paroisse. C’est pourquoi, bien des religieux sont actifs dans les centres catéchétiques, les équipes missionnaires, les hôpitaux, les prisons, les écoles, les maisons de retraite, les maisons de prière, les projets sociaux et les media.

Notre administration prévoit de présenter à la congrégation deux propositions :
    a)
diminuer la part des paroisses de 75% à 40% de l’ensemble de nos activités ;
    b)
dans le choix des paroisses, encourager l’emploi de critères missionnaires. Les orientations pour les paroisses maristes rédigées par l’administration générale précédente (19 février 1998) donnent une forte impulsion dans ce sens. Nous avons l’intention de mettre ces propositions à l’ordre du jour de la rencontre des supérieurs majeurs prévue pour février 2004 à Rome.

Bien entendu, il n’est pas dans nos intentions de mettre en question l’importance du ministère paroissial en soi, pas plus que le zèle et le dévouement de tant de confrères qui s’investissent corps et âmes dans ce ministère. Ce qui est en cause c’est l’orientation que doit prendre notre congrégation. Je vous souhaite à tous, et en particulier à ceux qui travaillent en paroisse, mes meilleurs voeux d’Avent et de Noël.

Jan Hulshof

Supérieur Général
 


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